C'est l'histoire d'un samedi, quel que soit le mois. Cela faisait des semaines que je voulais commencer un texte comme celui-ci, et Aujourd'hui, c'est samedi et nous sommes en juin, mais ce n'est pas grave, Ce qui compte, ce sont les livres, qui n'ont presque jamais d'importance, mais on en trouve aujourd'hui par milliers, par millions dans les avenues du Retiro. 600 000 ont été vendus en 2023, un nombre étrangement rond.
« On est en juin, j'en ai marre d'être courageux », encore un début que je mâchouille depuis longtemps. Et ça ne colle pas non plus. Cela correspond mieux : Juin est une période d'opportunités et de cerises ; Ils sont comme des livres, comme des baisers, l'un en amène un autre. La modération est nécessaire, et l'objectif : ne pas dépenser plus que ce que je gagnerai en écrivant ceci chroniquerieta: chroniques avec peu de chiffres et de données et avec beaucoup de flous et de bandes dessinées. On devient merveilleux entouré de livres et de monnaies néologismes, plus martiens que borgiens, pour masquer son manque d'expertise journalistique.
De nos jours, le parc du Retiro devient l'épicentre de la littérature : il remplit, disons, la fonction que remplissait l'agora à Athènes. Et malgré les extravagances de tant d'écrivains extravagants, personne n'est venu avec une toge, ni n'a dormi dans un tonneau –pour autant que l’on sache–, il n’a pas non plus été accusé de corrompre les jeunes. Jusqu'à maintenant.
J'entame avec diligence le chemin entre les stands, une longue rangée où nous, visiteurs, marchons : certains avec indifférence, d'autres avec une fidélité mystérieuse, quelques-uns avec une solennité monastique, comme s'ils entraient dans une église. Je m'éloigne, pendant que je prends ces notes et croise chacun des visiteurs de la Foire que je croise, et qui ne sont pas rares : 1,2 millions de personnes ont foulé ces terres l’année dernière.
Je m'arrête devant un stand avec des volumes, des flans et des couvertures blanches. Philosophie, dit un signe. Je prends un livre et je le feuillette avec effroi : ça me paraît évident que je ne sais pas ce que je fais, que Je ne comprends même pas l'index de « Être et Temps », pas même le titre de « Phénoménologie de l’Esprit ». Je ressens le regard surveillant de l'éditeur qui expédie ces briques, comme s'il devinait que Parfois je cite des philosophes que je n'ai pas lus, comme si je savais que je fais semblant d'être quelqu'un que je ne suis pas, comme si je découvrais des profondeurs de moi-même que je ne connais même pas. « Ne me regarde pas, prince de l'enfer », je marmonne en m'éloignant.