Choses qui t’arrivent à Madrid quand tu as 30 ans (VIII) : presque un amour d’été

Toujours au petit-déjeuner, nous aimerions parler encore cinq minutes, nus et inconscients des sécheresses et des tremblements de terre qui existent là-bas. Elle représente la plus grande catastrophe naturelle, je pense, en étalant des toasts et en attendant que le micro-ondes émette un bip. Et pendant les deux secondes où elle ferme les yeux et goûte le café, tout ralentit, et il y a deux secondes où je vois une beauté sans retenue, consciente et désordonnée, avec les cheveux au vent, June sur les joues, les lèvres comme des petits pains et d’autres choses folles que dirait un mec qui tombe amoureux. Oui, cela arriverait, je retomberais amoureuse du premier jus d’orange. Il partait dans le bus 18, qui l’emmenait à sa librairie, et le monde tournait ce matin-là, et moi avec lui, participant enfin à quelque chose.

Nous continuerions à nous voir dans une romance cinématographique de Jonás Trueba dans les rues de Madrid, dans les théâtres et les cafés, se racontant les bribes de nos vies et croyant que septembre n’aura pas de fin. Jusqu’à ce qu’un jour, un putain de jour, je lui dise ça « Je veux être avec toi, c’est aussi simple et aussi compliqué que ça. » Et ce qui commençait par un poème de Benedetti se terminerait par une phrase de Bukowski et je ne sais plus si celui qui parle c’est moi ou un idiot au désir d’encyclopédie, et tout se compliquerait cet après-midi-là. Et à la page suivante, comme dans les récits de Zambra, elle ne serait plus là, disparue. Et l’incertitude reviendrait au sternum et la sensation d’un navire errant reviendrait également. Ils partiraient avec elle, et sans se retourner, l’odeur de la menthe et la pluie, les hendécasyllabes et l’aube argentée.

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Et je devrais l’avouer Je n’ai pas beaucoup lu Zambra, je n’ai pas de grains de beauté sur les cuisses, je n’ai pas non plus de maison ni de recueils de poésie, La seule chose qui est vraie, c’est que le bus 18, qui va de ma rue à votre librairie, continue de passer toutes les quinze minutes jusque tard dans la nuit. Et maintenant, le vent d’automne s’est glissé sous mon lit. Et que je ne suis jamais entré dans cette librairie. Peut-être, je pense, que c’est mieux ainsi.