La vie sur le Nil par Agatha Christie

« L’amour peut être une chose effrayante. ». Ainsi conclut Mort sur le Nil. À première vue, il est paradoxal de découvrir qu’Agatha Christie l’a écrit à partir d’une suite surplombant un fleuve aussi légendaire, accompagnant celui qui fut le nouvel amour de sa vie, Mais la vérité est que la reine du crime avait déjà ressenti un sentiment très désagréable lorsque son précédent mari, Archibald Christie, l’avait quittée un jour après douze ans.

Le choc fut tel que la célèbre écrivaine disparut et on retrouva onze jours plus tard qui elle était et ce qui lui était arrivé. Mais il n’y a pas de mal qui ne soit un bien, parce que le hasard ou le destin l’a conduite à archéologue Max Mallowanqu’elle épouserait quelques mois après l’avoir rencontré sans se soucier du fait qu’il avait 14 ans de moins qu’elle et avec qui elle partagerait le reste de sa vie. Et surtout : c’est lui qu’il a accompagné lorsque, depuis l’hôtel Old Cataract, il a donné forme et fin à son histoire la plus immortelle.

Dans la suite qui porte son nom, le numéro 1201, un magnifique balcon permet de sentir la brise du Nil tout en hypnotisant les voiles de felouque qui glissent à côté de l’île Éléphantine Nubie. Le cadre est pour le moins inspirant. C’est ce que confirme Hercule Poirot lui-même, qui dit dans le roman : « —…J’adore ça (…). Aussi les rochers noirs d’Éléphantine et le soleil et les petits bateaux qui traversent la rivière. Oui, c’est merveilleux d’être en vie et de profiter de tout cela.

J’imagine Agatha se levant chaque matin et profitant de vues si magnifiques dans ce qui était sa maison pendant l’expédition de son mari Max en Égypte, un pays qui seulement une décennie auparavant avait découvert la tombe de Toutankhamon. Quand je vois le bureau, ilJ’imagine alors devant sa machine à écrire. Nous sommes en 1937 et elle vient de taper LA FIN dans une histoire où son détective vedette a résolu un nouveau crime, survenu lors d’une croisière sur le Nil, sûrement similaire à celui que l’écrivain elle-même avait vécu – bien que sans tragédie – un quelques années auparavant avec sa famille. Et je me demande alors : si je n’avais pas rencontré Max et passé quelques mois à Assouan, Aurions-nous pu nous retrouver sans l’un des romans policiers les plus emblématiques de tous les temps ? Nous ne le saurons jamais.