C’est dur de rivaliser avec l’été, une saison sanctifiée par les réseaux en images de lumière rayonnante, de visages bronzés, de mer cristalline, de verres de vaporiserles pieds dans le sable, l’air de l’Atlantique, les torses apolloniens, embarquement, barbotage et plongée. En été, plus que toute autre saison, nous sommes nos propres publicistes. Les profils silencieux depuis des mois débordent et se multiplient dans une inflation d’images idylliques qui démontrent que nous nous sommes enfermés chaque jour dans Minorque, Botswana, Biarritz, Japon ou Mykonos.
Face au consensus de l’été, l’automne exige du militantisme. Vous dites : j’aime l’automneet votre interlocuteur interprète que vous essayez d’agir de manière intéressante. L’inclination vers l’automne nécessite des arguments, et tous les sujets d’introversion s’y intègrent. Le retour aux intérieurs, l’allumage de la cheminée, la défense du foulard et du manteau, des longs couchers de soleil, de la lumière dorée, des feuilles rougies, Les feuilles mortesqu’Yves Montand a chanté. La chanson elle-même parle d’un amour perdu. À cette époque, la vie était plus belle et le soleil brillait plus fort qu’aujourd’hui.disent les paroles.
L’automne évoque inévitablement la nostalgie. Certains d’entre nous aiment ça. La nostalgie n’est pas une plainte, ni une mélancolie. La nostalgie, c’est imaginer, récupérer et retourner dans des lieux, réels ou perdus, qui recèlent de précieux souvenirs. Comme Yves Montand, on pourrait se souvenir d’un amour estival. Mais peut-être vaut-il mieux laisser de côté les vicissitudes de l’amour romantique. Les aventures estivales ne fonctionnent pas au-delà de la mi-vingtaine. Soyons pratiques dans notre nostalgie.
Allons au-delà de l’été, cet été, car Pour les êtres enclins à l’automne, des feuilles, des rafales de vent et un verre de vin suffisent sur la terrasse d’un endroit hors saison, enveloppé dans un manteau. Hors de saison. C’est la clé. Nous, les gens d’automne, n’aimons pas les foules, les masses en sueur ou les plages bondées. Nous évitons les hauts lieux touristiques, nous recherchons le caché. La nostalgie du voyage aide car elle offre un fil sur lequel tirer, pour revenir à ce qui est connu, à une sensation ou un souvenir qui nous réconforte.
Mon premier voyage hors d’Espagne a eu lieu dans les années 80 et à Paris, ville d’automne où il y en a une. Nous avons dormi dans la voiture-lits du Talgo et sommes arrivés à la Gare de Lyon aux aurores. Les valises n’avaient pas de roulettes. Le simple fait d’imaginer l’absence de ce son, alors pas encore né, fait émerger un soupir. Sans les vibrations rotatives sur les quais, les gares étaient des endroits plus inconfortables, mais avec une acoustique plus conviviale et moins rude.