Voyager, c’est (aussi) s’évader du quotidien, je construis donc ma vie de voyageur autour d’un nouveau plaisir : l’émerveillement. D’où ce culte de l’éphémère, cette fascination du beau, la religion de l’émotion : « Vivez, ressentez, profitez. » Nous sommes arrivés en milieu d’après-midi à Borda Calbó, le chalet au pied des montagnes, œuvre de la famille Calbó, propriétaires du Sport Hotel Hermitage & Spa. J’ai ramené beaucoup de choses de nos jours là-bas (c’est une bonne manière de mesurer un voyage : qu’est-ce qu’on rapporte ?) l’une d’entre elles c’est ressentir (nous sentir) un peu comme Meryl Streep et Robert Redford dans le merveilleux livre de Karen Blixen, Souvenirs d’Afrique: « J’avais une ferme en Afrique, au pied des collines Ngong. »
La journée commence tôt, à l’aube, c’est aussi peut-être le moment le plus spécial. La fumée danse lentement sur le café, ça refroidit un peu au pied de cette montagne, c’est un autre été : Nous avons décidé de consacrer nos journées à habiter des destinations « hivernales », renverser l’histoire, échapper à l’habituel. Je monte au rez-de-chaussée qui abrite le grand salon, une longue table en bois préside l’espace, le silence est présence. Je sors en terrasse, le miracle se produit, le soleil s’étend devant moi, caresse le brouillard qui entoure les montagnes : Inclés, Tarter, Ransol et Aldosa. J’entends le gazouillis d’un pinson, celui-là loge au pied des montagnes, cela ressemble à un rêve d’une autre époque mais ce n’est pas le cas. C’est l’héritage de l’amour de cette famille pour la montagne, l’artisanat et la chaleur. La Borda est en réalité un chalet alpin « au pied des collines andorranes », sur les mêmes pistes que Grandvalira. Pierre, fer et bois. On nous raconte qu’il a fallu quatre années de travaux pour réaliser cette vieille et ancienne cabane, debout depuis 1630. Un petit bout d’histoire du pays. Cheminée à bois, couvertures en mohair, cuisine Molteni de rêve, des détails infinis avec une seule envie : habiter l’étonnement. Vivez, ressentez, profitez.
arriver bientôt Franco Guione (sa famille est du Piémont), il sera le nôtre Majordome ces jours. Il nous emmène dans son SUV jusqu’aux contreforts de la Vall d’Incles, notre itinéraire : promenez-vous paisiblement dans ces forêts, écoutez battre le cœur de la montagne, arrêtons-nous à chaque cascade, nous ne sommes pas pressés. Il n’y en a pas. Nous avons atteint le lac Siscaró à travers des pins, des bouleaux et des sapins. Les allées sont couvertes de jonquilles, de fleurs sauvages et d’azalées. On s’arrête à chaque stream, illustre Laura, je continue avec Années-lumière par James Salter : « La vie est le temps. Ce sont les repas. Déjeuners sur une nappe à carreaux bleus sur laquelle est versé du sel. L’odeur du tabac. « Du brie, des pommes jaunes, des couteaux à manche en bois. » Je pense exactement la même chose. La vie, c’est ce qui est devant nous : les odeurs, les sons, la peau. Un chemin apparaît toujours lorsque le chemin est préparé.