Est-ce que tout voyage ?

Si dans un restaurant j’entends des commentaires « Ça a été un grand voyage », sans avoir entendu ce qui a précédé et ce qui suit, Il me sera difficile de comprendre la nature de ce voyage. La conversation pourrait faire référence à un déguster des fromages danois, à une relation mouvementée, à la lecture Guerre et Paixà une cure de désintoxication, à la première année de maternité, ou oui, aussi, à un voyage dans une autre partie du globe.

Sans aucun doute, je réfléchirais à la possibilité, et ce sens est envisagé par le RAE, que l’inconnu a expérimenté des drogues hallucinogènes, même si cette façon de parler des effets des substances psychotropes est devenue quelque peu dépassée.

Depuis Xavier de Maistre écrivait en 1794 Faire le tour de ma chambre, dans lequel il décrit le voyage intérieur d’un jeune homme confiné dans sa chambre, le voyage n’a plus à être conditionné par le déplacement.

Alors tout peut-il être un voyage ? Même si tenter de délimiter une métaphore revient à ouvrir des portes sur le terrain, je propose à partir du voyage réel, celui de la valise et du sac à dos, pour spéculer sur ce qui est et ce qui ne l’est pas.

Le voyage est une rencontre avec l’inconnu. L’immersion dans l’étrange mène à l’émerveillement et à la réflexion. Le monde est diversifié. Ma réalité n’est pas la seule réalité. Chemin faisant, Marco Polo décrit des coutumes allant des habitudes sexuelles bizarres au cannibalisme dans une chronique de perplexité. Il est en dehors de ce qu’il voit, mais il regarde, et à mesure qu’il avance, son monde s’agrandit.

Le voyage nécessite un départ et un retour. Celui qui part n’est pas celui qui revient car le chemin est transformation. Ulysse, avant son départ pour la guerre de Troie, n’a pas grand-chose à voir avec le personnage qui revient à Ithaque. En chemin, il a affronté des monstres, des naufrages, des sortilèges et des amours qui l’ont changé.