Le Paris de légende existe toujours dans la réalité. Ce Paris qui a forgé la modernité, le Paris du clair-obscur, de l’art nouveau, de l’absinthe et des cabarets. Un Paris qui n’imite pas ce qu’il était, mais qui, en réalité, n’a jamais disparu. Là-bas, la sophistication naît du vice et de l’art, la liberté se dilue dans la perversion et s’élève dans la littérature. Un Paris qui s’écoule par les égouts de Montmartre et conçu par les esprits fébriles de la Belle Époque.
Bien sûr, il y a des aperçus dans l’architecture, dans les musées, lors d’un concert ou d’une salle. Mais, pour rester en vie, s’exprimer en visions, odeurs, musiques, cocktails ou textures, Que Paris a besoin de se cacher du tumulte, de nous inviter à sortir de l’obscurité. Je l’ai ressenti pour la première fois il y a quelques années, dans un bar Maison Souquet, à Pigalle. Parmi toute cette agitation folklorique, entre la saleté urbaine et morale des attractions touristiques agressives, les sex-shops, les shawarmas et les foules… Parmi tout ce bruit, deux lanternes rouges sur une façade Ils ont indiqué qu’il restait encore quelque chose à découvrir. Un coin tout aussi sensible, mais pas aussi évident. Cet automne, j’ai complété l’aventure.
Le hall de cet hôtel Maisons Particulières est peut-être celui d’il y a 120 ans, lorsqu’il était ouvert comme bordel. Une salle aux motifs mauresques, où Les carreaux turquoise et or s’entrelacent et se multiplient dans les miroirs et entre la lumière timide filtrée par les rideaux. Les arcs en fer à cheval, une petite muqarna voûtée qui accueille le buveur. C’est cette même pièce où les hommes attendaient d’être soignés par madame et où Maintenant j’attends et j’écoute l’histoire morbide de l’un des hôtels les plus fascinants de Paris, qui exige ses propres rythmes. Ce n’est qu’après un premier apéritif qu’ils m’emmènent dans la pièce voisine, par une porte dérobée, comme si – fidèle à leur tradition discrète – nous entrions dans un bar clandestin, un de ces endroits qui prennent les commandes de la nuit.
C’est comme ça. La restauration, réalisée par l’architecte Jacques García entre 2013 et 2015 avec le peu de documentation disponible et en utilisant les références de maisons de plaisir similaire à Bruxelles ou à Amsterdam, recrée la même morosité ludique et ostentatoire de quelqu’un qui cherchait à la fois à soulager sa libido et à élever son statut. « Ici, ils connaissaient les courtisanes, ils flirtaient, Ils ont négocié et pris un verre avant de monter dans les étages », me racontent-ils. Comme la faible lumière et les murmures, tout reste à mi-chemin entre le réel et l’éthéré. L’histoire oscille entre le mystique, le légendaire et la vérité. Une fois ici, difficile de ne pas imaginer et fantasmer. Les peintures, peintures à l’huile et croquis originaux de l’époque recréent ces mêmes courtisanes, des scènes tantôt érotiques, tantôt sordides, presque violentes. Personne n’a dit que le plaisir restait aux frontières de la moralité.